Le berceau du Web

 

Le chercheur britannique Tim Berners-Lee a inventé le World Wide Web en 1989, lorsqu’il travaillait au CERN. À l’origine, le projet a été conçu et développé pour que des scientifiques travaillant dans des universités et instituts du monde entier puissent s’échanger des informations instantanément.

Le CERN n’est pas un laboratoire isolé, mais le pôle de convergence d’une très vaste communauté, qui comprend plus de 17 000 scientifiques de plus de 100 pays. Bien que ces scientifiques passent en général une partie de leur temps au CERN, ils travaillent le plus souvent dans des universités et des laboratoires nationaux de leur pays d’origine. Il leur est donc essentiel de disposer d’outils de communication fiables.

L’idée de base du WWW était de combiner les technologies des ordinateurs personnels, des réseaux informatiques et de l’hypertexte pour créer un système d’information mondial, puissant et facile à utiliser.

 

Les débuts du Web

Hypertext,Document retrieval,Information management,web,Project control,Computers and Control RoomsLa première page de la proposition de World Wide Web de Tim Berners-Lee, écrite en mars 1989 (Image : CERN)

Tim Berners-Lee écrit la première proposition de création du World Wide Web en mars 1989 et sa seconde proposition en mai 1990. Puis, en novembre 1990, l’ingénieur en systèmes belge Robert Cailliau le rejoint et ils élaborent ensemble une proposition formelle pour un système de gestion de l’information esquissant les concepts fondamentaux et définissant les principaux termes liés au Web. Le document décrit un « projet hypertexte » appelé WorldWideWeb, dans lequel un « web » (une toile) de « documents hypertextes » peut être vu par des « navigateurs ».

Fin 1990, Tim Berners-Lee rend opérationnel le premier serveur et navigateur Web au CERN, concrétisant ainsi ses idées. Il avait développé le code pour le premier serveur Web sur un ordinateur NeXT. Pour éviter qu’on ne l’éteigne accidentellement, une étiquette avait été collée sur l’ordinateur, où il était écrit à la main, en rouge : « Cette machine est un serveur. NE PAS ÉTEINDRE !! »

 

NEXT,WWW,Computers and Control RoomsUne réplique de la machine NeXT sur laquelle Tim Berners-Lee developpa le premier serveur WWW, le navigateur multimédia et l’éditeur web en 1990. (Image : CERN)

Info.cern.ch était l’adresse du tout premier site et serveur Web, qui était hébergé sur un ordinateur NeXT du CERN. L’adresse de la première page Web était http://info.cern.ch/hypertext/WWW/TheProject.html

La page comportait essentiellement des informations relatives au projet WWW, notamment une description de ce qu’est l’hypertexte, des détails techniques pour la création d’un serveur Web, et des liens vers d’autres serveurs, qui étaient ajoutés au fur et à mesure qu’ils devenaient disponibles.

 

web,Hypertext,Computer,NEXTCapture d’écran montrant le navigateur NeXT créé par TimBerners-Lee

La conception du WWW permettait d’avoir facilement accès à l’information existante ; une page Web rudimentaire proposait des liens utiles pour les scientifiques du CERN (par exemple l’annuaire du CERN, ou encore des guides d’utilisation des ordinateurs centraux du CERN). La recherche se faisait par mots-clés, car il n’y avait pas encore de moteurs de recherche.

Le navigateur de Tim Berners-Lee, qui fonctionnait sur les ordinateurs NeXT, incarnait la vision de son créateur et comprenait déjà nombre des caractéristiques des navigateurs Web actuels. Il permettait en outre de modifier les pages directement sur le navigateur, ce qui constituait la toute première fonction d’édition de pages Web. Su cette capture d’écran, on voit comment le navigateur fonctionne sur un ordinateur NeXT en 1993.

 

Le Web se tisse

Au départ, seuls quelques utilisateurs avaient accès à la plateforme d’ordinateurs NeXT sur laquelle fonctionnait le premier navigateur. Cependant, Tim Berners-Lee conçoit rapidement un navigateur en mode ligne pouvant être exécuté sur tous les systèmes.

En 1991, Tim Berners-Lee lance son premier logiciel WWW, qui incluait le navigateur en mode ligne, un logiciel pour le serveur Web et une bibliothèque pour les développeurs. En mars de cette même année, le logiciel devient accessible à d’autres collègues sur des ordinateurs du CERN. En août, il présente le logiciel WWW sur un groupe de discussion internet, ce qui éveille l’intérêt pour le projet à travers le monde.

 

Élargissement mondial

Grâce aux efforts de Paul Kunz et Louise Addis, le premier serveur Web aux États-Unis est mis en ligne en décembre 1991, là aussi dans un laboratoire de physique des particules : le Centre de l’accélérateur linéaire de Stanford (SLAC), en Californie. Il n’y avait alors pour ainsi dire que deux sortes de navigateur. L’un était la version qui avait servi au développement initial, sophistiquée mais disponible uniquement sur des machines NeXT. L’autre était le navigateur en mode ligne, très simple à installer et à exécuter sur n’importe quelle plateforme, mais limité en puissance et peu convivial. Il était évident que la petite équipe du CERN à l’origine du système ne pourrait à elle seule effectuer le travail nécessaire pour le développer. Aussi Tim Berners-Lee lance-t-il un appel via l’Internet pour que d’autres développeurs viennent leur prêter main-forte. Plusieurs personnes créent alors des navigateurs, la plupart exécutables dans l’environnement X-Window. Les plus connus de cette époque sont MIDAS, de Tony Johnson (qui travaille alors auprès du SLAC), Viola, de Pei Wei (qui travaillait pour l’éditeur d’ouvrages techniques O’Reilly), et Erwise, d’un groupe d’étudiants finlandais de l’Université de technologie d’Helsinki.

Début 1993, le Centre national de superinformatique (NCSA) de l’Université de l’Illinois met en service une première version de son navigateur MOSAIC. Ce logiciel était exécutable dans l’environnement X-Window, très répandu dans la communauté de la recherche, et permettait une utilisation conviviale grâce à un système utilisant des fenêtres. Peu de temps après, le NCSA met également en circulation des versions pour les environnements PC et Macintosh. La disponibilité de navigateurs conviviaux et fiables sur ces ordinateurs très populaires a eu un impact immédiat sur la diffusion du WWW. La Commission européenne approuve son premier projet Web (WISE) à la fin de cette même année, le CERN étant l’un des partenaires. Le 30 avril 1993, le CERN met gratuitement à disposition le code source du World Wide Web, qui devient ainsi un logiciel libre. Fin 1993, on compte plus de 500 serveurs Web connus, et le WWW représente 1 % du trafic sur internet, ce qui semble beaucoup à cette époque (le reste du trafic est composé des accès à distance et des envois de courriels et de fichiers). 1994 est l’année du Web. Lancée par Robert Cailliau, la première conférence internationale sur le World Wide Web se tient au CERN en mai. Près de quatre cents utilisateurs et développeurs y participent et cet événement est salué comme le « Woodstock du Web ».

Au cours de l’année 1994, le Web est abondamment mentionné dans les médias. En octobre, une seconde conférence, organisée aux États-Unis par le NCSA et le Comité international des conférences World Wide Web (IW3C2), nouvellement créé, réunit 1 300 participants. Fin 1994, le Web compte 10 000 serveurs, dont 2 000 à usage commercial, et 10 millions d’utilisateurs. Le trafic est alors équivalent au transfert, à chaque seconde, de la collection complète des œuvres de Shakespeare. La technologie continue ensuite de progresser pour satisfaire les nouveaux besoins qui apparaissent, la sécurité et les outils pour le commerce en ligne étant les domaines traités en priorité.

 

Un outil libre

Il était essentiel que le Web reste un outil libre utilisable par tous, dont personne ne puisse devenir le propriétaire unique. C’est dans ce sens que le CERN soumet un projet à la Commission de l’Union européenne dans le cadre du programme ESPRIT : « WebCore ». Le but de ce projet était de créer un consortium international, en collaboration avec l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT). En 1994, Tim Berners-Lee quitte officiellement le CERN pour rejoindre le MIT, et fonde le Consortium international World Wide Web (W3C). Pendant cette période, avec l’approbation du projet LHC en ligne de mire, le CERN estime que le nouveau développement du Web ne fait pas partie de sa mission première. Pour le W3C, il est donc nécessaire de trouver un nouveau partenaire en Europe.

La Commission européenne se tourne alors vers l’Institut national de la Recherche en informatique et en automatique (INRIA) français, pour prendre le relais. En janvier 1995, l’INRIA devient le premier siège européen du W3C, et en 1996, l’Université Keio au Japon (campus Shonan Fujisawa) en devient le siège asiatique. En 2003, l’ERCIM (European Research Consortium in Informatics and Mathematics) remplace l’INRIA pour ce qui est de l’Europe, et en 2013, le W3C annonce que l’Université Beihang est devenue son quatrième siège. En septembre 2018, le consortium compte plus de 400 organisations membres, situées à travers le monde.